MOUTOT Gilles

 

Docteur de l’Université Paul-Valéry, Montpellier III

Maître de conférence en philosophie à la Faculté de Médecine de Montpellier

Champs de recherche :

Esthétique, théorie critique de la société, philosophie contemporaine

Publications :

Ouvrages :

Essai sur Adorno. Paris, Éditions Payot et Rivages, 2010, 656 p.

 

Présentation de l’éditeur :
Interrogeant l’ensemble de l’oeuvre d’Adorno, cette étude cherche à en dégager l’unité. Dans cette perspective, elle met au jour les traits spécifiques d’un matérialisme porté par une attention aiguë aux expériences de la non-identité, telles que, schématiquement dit, elles se manifestent entre ces deux pôles : celui de la souffrance, exprimant une individuation mutilée par les normes de comportement qu’impose un mode de socialisation pathogène ; celui des objets et de l’expérience esthétiques, où s’ébauche un rapport à la différence qui, comme Adorno en formule le projet dans la Dialectique négative, cesserait de mesurer celle-ci à une exigence de totalité.
C’est alors au moyen d’un tel fil conducteur que l’auteur a fait le pari de s’orienter dans le massif de la pensée adornienne. Ce faisant, il s’oppose aux lectures qui, faute de considérer le régime de compréhension propre à un livre comme la Dialectique de la Raison, ont vu en Adorno l’auteur d’une philosophie catastrophiste de l’histoire – là où celui-ci vise au contraire à enrayer les opérations théoriques par lesquelles les philosophes de l’histoire prétendent unifier le sens de l’évolution historique. En sorte que, loin d’affirmer quelque prétendue clôture de l’histoire, l’idée même d’une dialectique de l’Aufklärung articule l’impulsion d’une praxis socialement transformatrice sur la conception d’une temporalité discordante, structurellement marqué par l’anachronicité et la discontinuité, et qui réserve dans ses intermittences ce qu’Adorno nomme la « possibilité concrète de l’utopie ».
De là le programme d’une dialectique négative, qui tire les conséquences de ce motif utopique dans les termes d’une transformation de l’activité théorique elle-même. Si celle-ci doit reconnaître, dans ses objets comme dans ses instruments, la sédimentation d’une histoire non totalisable, sa tâche est alors de se produire sous la forme d’articulations de modèles de pensée qui, attestant l’impossibilité de saisir l’hétérogénéité du réel, fourniraient cependant des instruments susceptibles de la mesurer.
Au terme de cette enquête, qui entraîne le lecteur dans l' »atelier » de la pensée adornienne, Gilles Moutot parvient à restituer toute la spécificité de celle-ci. Par l’attention qu’il accorde aux résonances – et aux dissonances – somatiques et psychiques des processus de subjectivation et des interactions sociales, Adorno déploie une critique pleinement originale de la raison instrumentale et met ainsi en question les approches qui, à la suite de Habermas, se réclament avant tout des potentiels normatifs inhérents au langage et à la communication. Aussi une telle autoréflexion critique de l’Aufklärung conserve-t-elle une actualité irréductible – car intempestive.

Adorno. Lenguaje y reificación, trad. V. Ackerman, Buenos Aires, Ediciones Nueva Visión, 2005, 127 p.

 

¿Por qué una « teoría crítica de la sociedad « , de inspiración marxista, llega a considerar la relación entre la extensión de la « forma-mercancía » y las mutilaciones de la existencia a ella enlazadas (la « reificación » de las relaciones sociales) ya no como el tema de sus enunciados  sino como la amenaza principal que se impone sobre la posibilidad misma de enunciación? En la medida en que, a partir de los años cuarenta, la obra de Adorno  se presenta como una tentativa de salir de tal « crítica de la crítica », diferente del silencio,  ¿cuál es entonces ese discurso  que de allí en más se sostiene sólo bajo el signo de « la posibilidad de lo imposible »? Si la reificación , lejos de inscribirse sólo en figuras, se ramifica en la sintaxis de una dominación que se ejerce como sobreproducción de ese sentido que Adorno llama « siempre semejante », entonces debe inventarse una nueva forma, sutil,  de resistencia: el arte de producir sentido en un modo menor. En esta obra se ha querido describir la constitución de tal exigencia y justificar el nombre: la dialéctica negativa.    

Adorno. Langage et réification. Paris, Presses Universitaires de France, collection « Philosophies », 2004, 128 p. (traduction en espagnol : Adorno. Lenguaje y reificación, trad. V. Ackerman, Buenos Aires, Ediciones Nueva Visión, 2005).

 

Résumé :
« Lorsque la vie publique a atteint un stade où la pensée se transforme inéluctablement en une marchandise et où le langage n’est qu’un moyen de promouvoir cette marchandise, la tentative de mettre à nu une telle dépravation doit refuser d’obéir aux exigences linguistiques et théoriques actuelles avant que leurs conséquences historiques rendent une telle tentative totalement impossible. »
Ces lignes de la Dialectique de la Raison déterminent le point d’intersection des deux interrogations qui sont à l’origine du présent essai. Pourquoi une « théorie critique de la société », d’inspiration marxiste, en vient-elle à considérer le rapport entre l’extension de la « forme-marchandise » et les mutilations de l’existence qui lui sont liées (la « réification » des relations sociales) non plus comme le thème de ses énoncés mais comme la principale menace pesant sur la possibilité même de son énonciation ? Dans la mesure où, au moins à partir des années quarante, l’œuvre d’Adorno se veut une tentative pour sortir d’une telle crise de la critique autrement que par le silence, quel est donc ce discours qui désormais ne se tient plus que sous le signe de la « possibilité de l’impossible » ? Si la réification, loin de seulement s’inscrire dans des figures, se ramifie en syntaxe d’une domination qui s’exerce en tant que surproduction de ce sens qu’Adorno dit « toujours semblable », alors doit s’inventer une nouvelle forme, subtile, de résistance : l’art de produire du sens en mode mineur. C’est d’une telle exigence qu’on a voulu ici retracer la constitution et justifier le nom dialectique négative.

Articles :

– « L’Équipée lente. Roland Barthes et Theodor W. Adorno, lecteurs imaginaires de Jean Echenoz », in La Manchette. Revue de littérature comparée, Université Paul-Valéry Montpellier III, printemps 2000, pp. 197-232.

– « Théorie critique », notice pour M. Blay (dir.), Grand dictionnaire de philosophie, Larousse, 2003.

– « Fixer des vertiges. La musique, Adorno et l’expérience non réglementée », in J.-P. Olive (dir.), Expérience et fragment dans l’esthétique musicale d’Adorno (actes du colloque international organisé à Paris les 13 et 14 mai 2004 par l’université de Paris 8, la MSH Paris Nord et avec le concours du Goethe Institut), éd. L’Harmattan, coll. « Arts 8 », 2005, pp. 251-286.

– « Dans l’angle mort des Lumières. Le non-identique selon Adorno », in S. Lafont (dir.), Le Reste (actes du colloque interdisciplinaire organisée à l’Université Paul-Valéry Montpellier III les 12 et 13 mars 2004), éd. de l’Université Paul-Valéry Montpellier III, 2006, pp. 123-143.

2. Traductions :

Theodor W. Adorno, Mots de l’étranger et autres essais. Notes sur la littérature II, traduction (allemand et anglais) et notes en collaboration avec Lambert Barthélémy, éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004, 295 p.

 

Présentation de l’ouvrage :
Les Notes sur la littérature ont paru en quatre tomes (le dernier à titre posthume) aux éditions Suhrkamp de 1958 à 1974.
Un premier choix de textes avait été mis à la disposition du public français en 1984 par les éditions Flammarion. Le présent volume regroupe l’ensemble des essais et articles qui étaient absents de cette édition, notamment d’importantes études consacrées à Heine, Kraus, Goethe, Dickens, Proust et Walter Benjamin. De ces études comme des réflexions sur le statut de la ponctuation ou encore sur l’usage des mots étrangers se dégagent les enjeux essentiels de la pensée d’Adorno.
Perturbation du sens par la forme, la tension propre au texte littéraire ne sert pas à illustrer quelque thèse philosophique sur le langage; elle fournit plutôt le modèle de la « dialectique négative » qu’Adorno entendait mettre en œuvre dans le langage – et jusque dans son usage conceptuel. À la phrase de Proust, selon laquelle « les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère », répond l’exigence, formulée dans la Dialectique négative, de « mettre au jour le non conceptuel au moyen de concepts sans l’assimiler à eux » : parce qu’elle fait cette épreuve de l’étrangeté, la littérature, qui en chaque langue fait résonner les « mots de l’étranger », rend sensible l’utopie.

– Rudolf Arnheim, Radio, traduction (allemand) en collaboration avec Lambert Barthélémy et Martin Kaltenecker, éd. Van Dieren, coll. « Musique », 272 p.

 

Dernière mise à jour : 31/01/2024